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Christian Berhendt, professeur de droit constitutionnel (Ulg), livre dans la Libre de ce week-end son analyse des futurs possibles des belges dans une perspective post-Belgique. En écartant la voie des armes, il déclare en substance «qu’  il n’y a au final que deux solutions réalistes: la sécession concertée et le démembrement à la tchécoslovaque » .

Ces deux scénarios doivent être clairement distingués car dans le premier cas les francophones pourraient conserver ce qu’il conviendrait d’appeler la « Belgique résiduelle ». Dans cette hypothèse, la Flandre négocierait sa sortie du cadre belge là où les francophones hériteraient du cadre juridique actuel, ce compris les traités. Dans le second scénario d’un démembrement  à la Tchécoslovaque, la Belgique cesserait d’exister et deux ou trois nouvelles entités seraient créées. Dans ce cas, chacun repartirait d’un page blanche pour ce qui touche au cadre juridique.

Je suis un peu sceptique quant au réalisme de ces deux hypothèses. Le scénario d’une sécession concertée serait très défavorable à la Flandre. Il ne fait aucun doute qu’elle y perdrait Bruxelles. De plus, rien ne dit que la nouvelle république de Flandre serait reconnue par les Etats tiers, européens et autres. Une Flandre en dehors du marché commun, des accords de l’OMC, au banc  de l’assemblée générale des nations unies alors que les francophones pourraient confortablement bénéficier de l’acquis juridique bâti depuis 1830? Allons, soyons un peu raisonnable.

Le second scénario d’un démembrement concerté me semble plus plausible. Toutefois, sa mise en œuvre exige une « européanisation » préalable du différent. C’est une nécessité absolue. Disons ici que la pilule serait difficile à avaler pour les Etats européens qui aujourd’hui sont en proie à des mouvements séparatistes internes. Je pense ici au Royaume-Uni, à l’Italie, l’Espagne. Le risque d’une « balkanisation » de l’Europe est réel. La vieille dame a déjà un genou à terre, faut-il en rajouter ?

Bon, dans ce cas, quelles sont les options qu’il nous reste ?

J’en distingue  deux. La première, une Belgique « toit de verre » et la seconde, le rattachement à un autre Etat. C’est ici que l’analyse devient intéressante. Par « Belgique toit de verre », j’entends un scénario dans lequel la Belgique sur la forme – juridique donc – continuerait d’exister, mais pas sur le fond. Sur le fond, francophones et flamands ne feraient plus grand-chose ensemble. Chaque entité disposerait de la plénitude des compétences nonobstant le fait que des accords de coopération pourraient exister. Cette hypothèse, c’est le confédéralisme au sens flamand du terme (par opposition au sens juridique de ce terme).

Soyons clair, c’est le scénario qui se profile. Je n’ai personnellement aucun soucis quant au fait qu’on évolue vers ce type de situation à cette double condition : (1) Bruxelles doit être désenclavée et (2) chaque entité REGIONALE i.e.  Bruxelles, la Flandre SANS Bruxelles et la Wallonie, doit être pleinement autonome, c’est-à-dire libre de s’associer à qui elle veut et de déterminer son organisation institutionnelle. Le premier point est un tabou pour la Flandre, mais c’est aussi le cas pour la régionalisation de l’Impôt des Personnes Physiques (IPP) côté francophone. Par conséquent, un espace de compromis existe. Le second point touche, bien sûr, à la pleine reconnaissance de Bruxelles comme région. Il exige que la Flandre assimile cette évidence : Bruxelles n’appartiendra jamais à la Flandre, elle appartient aux Bruxellois, un peu facile ce double discours quant au droit à l’autodétermination des peuples…

Et si la Flandre refuse ?

C’est ici que le scénario du rattachement gagne ses galons. Une union-association avec la France nous permettrait de ne pas subir le déshonneur-l’hypothèse où acculés, les négociateurs francophones devraient se résoudre à poser des concessions anormalement asymétriques – tout en conservant Bruxelles et nos institutions. Certes, les pouvoirs régaliens seraient transférés à l’Etat français. De même, notre enseignement serait aligné sur la modèle républicain. Notons enfin, et c’est pourquoi cette hypothèse est intéressante, que la dette, au moins en partie –ceci devrait faire l’objet d’une négociation –, serait reprise à charge de l’Etat français. Faut-il encore que les français soient d’accords me direz-vous. Sur ce point, je suis optimiste. La France regagnerait encore plus vite que selon les prévisions des démographes (20 ans environs) son statut de première puissance démographique européenne (perdu depuis la révolution de 1789). Sans oublier que le PIB de la Wallonie serait le sixième PIB régional par ordre d’importance de cette nouvelle France élargie. Et puis, la proximité culturelle devrait être un facteur déterminant.

Enfin, le scénario d’une union-association me semble plus acceptable pour les partenaires européens, l’Allemagne et le Royaume-Uni en particulier,  que celui-ci d’une assimilation pure et dure. En effet, ces deux « Grands » verraient d’un très mauvais œil le fait que Bruxelles tombe dans l’escarcelle française. Quoique, cette dernière objection est à relativiser car si on y réfléchi à deux fois, le fait qu’une institution internationale soit située sur le territoire d’un Etat ne signifie en rien qu’elle soit au service du dit Etat…

Pour l’heure, il n’est pas garanti que Johan Vande Lanotte réussisse là où les autres ont échoué. Le Spa n’est pas vraiment le parti frère de la Nva.   On peut lire dans la presse que celui-ci pourrait isoler les nationalistes en parvenant à mettre d’accord les six autres partis à la table des négociations, mais se serait oublier deux choses importantes. Premièrement, le Spa est isolé sur l’échiquier politique en Flandre, n’oublions pas que la note De Wever a été plébiscitée quasiment à l’unanimité par les partis flamands et la presse. Deuxièmement, la Nva est indispensable pour la réforme de l’Etat dès lors que l’Open Vld se refuse à monter à la table des négociations. Alexander De Croo répète à l’envi qu’il souhaite que son parti reste dans l’opposition…

Difficile d’établir un pronostic…

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