les idées qui font des petits!

« La reprise est pour bientôt » diront les éternels optimistes. Hum, examinons un peu la situation…

La phase 1 de « la crise » s’amorca au printemps 2007, lorsque la bulle immobilière des subprimes éclata. La phase 2 quant à elle débuta en été de cette même année, lorsque le réseau bancaire mondial est touché en plein ventre et attint son point critique à la chute de Lehman Brothers, le 15 septembre 2008. La crise immobilière se mue alors en une crise financière. Phase 3 : dès l’automne 2008, l’assèchement du crédit provoque une crise économique, l’économie réelle est touchée. Les ménages (américains surtout) et les entreprises sont contraints de réduire leurs dépenses de consommation et leurs investissements, le chômage grimpe en flèche. Phase 4 : au printemps 2009, les déficits publics des Etats, conséquences directes du sauvetage des banques, ont fait exploser les dettes publiques. Les marchés s’affolent, on entre dans une crise souveraine. L’Islande est au bord de la faillite, vient ensuite Dubaï et puis la Grèce. Aujourd’hui, le risque de contagion à toute la zone Euro est réel.

What’s next ?

Que M. Di Rupo cesse  de raconter des salades (1), l’austérité est bel et bien à la clé. A l’heure ou les dirigeants européens  (Cameroun, Merkel, Zapetero, Panpadréou)   s’accordent sur des mesures drastiques pour réduire le déficit et réformer les pensions, on entend parler durant cette campagne d’augmentation du montant de la pension (de 400€) avec maintenance de l’âge de départ à la retraite (2)! Vous aimez les discours lénifiants ? Moi pas. Au final, c’est nous, la jeune génération, qui va payer la facture.

Comme le précise Jacques Attali dans une interview décapante du Vif de cette semaine, « il n’y a que huit solutions à la dette : la baisse des dépenses, la hausse des recettes, la baisse des taux d’intérêt, l’inflation, le moratoire, une aide extérieure, la guerre et, la seule qui vaille, la croissance ». Parmi les hypothèses les plus classiques, une augmentation des impôts risque de plomber la reprise. Dès lors, je préfère nettement qu’on rogne sur les dépenses de l’Etat qui, pour moi, est inefficace à bien des égards (de là à dire que le coût marginal des fonds publics est souvent supérieur à leur bénéfice…). L’Etat peut faire davantage avec moins de moyens, ce postulat est non-négociable.

Ça c’est pour le court terme, car cette crise est profonde, elle exige des réformes structurelles. L’Europe va vraiment devoir se bouger si elle veut conserver son influence sur la scène mondiale. Les Etats-Unis sont certes également endettés jusqu’au coup, mais leur dette est majoritairement libellée en dollars. De plus, leur réactivité (technologique & politique) est bien plus grande que la nôtre. L’Europe sera la grande victime de cette crise, notre modèle de prospérité est en jeu, il est temps que les élites politiques en prennent la mesure.

Après cette secousse sismique (salutaire), se pose la question des solutions. Les pièges à éviter sont incontestablement la peur et le repli sur soi, qui du reste, guettent partout en Europe (à commencer par la Belgique). L’audace, l’ambition, et le réalisme doivent être les moteurs de cette sortie de crise, à tous les niveaux. Pour commencer, l’Union européenne doit impérativement se doter d’une véritable gouvernance économique mais aussi et surtout, d’une politique à l’innovation ambitieuse. Ensuite, la Belgique doit impérativement réformer en profondeur son modèle institutionnel et politique. Le problème, contrairement à ce que nos dirigeants en campagne aiment à le faire croire, est tout sauf auxiliaire. Gérer une structure de façon efficace exige une répartition des compétences claire. Pour l’instant, c’est l’imbroglio institutionnel complet. Et tant pis si je rentre dans la caricature : « oui, gérer un pays c’est comme piloter une grosse S.A » (mon côté flamand s’exprime ici).

Un gouvernement doit pouvoir soumettre un programme clair à l’électeur, l’implémenter et enfin, dans un troisième temps, lui soumettre un bilan de ses réalisations. Une opposition est nécessaire pour critiquer ce bilan et orienter le citoyen dans sa décision de sanctionner positivement ou pas via son vote la coalition sortante. Le principe est simple, il est très éloigné de la réalité belgo-belge.

Enfin, et ce jusqu’à ce qu’un brillant génie sorte un nouveau modèle économique de son chapeau, c’est bien de créer de la croissance à long terme dont il s’agit. Attention toutefois, car la croissance n’est pas toujours synonyme de baisse de chômage. La hausse des gains de productivité ou la concentration de la nouvelle richesse aux mains de quelque uns est une hypothèse alternative. Néanmoins, j’aimerais être clair sur ce point : ici se trouve la divergence idéologique fondamentale entre ceux qu’on qualifie « de gauche » et ceux « de droite ». Les premier mettent l’accent sur la taxation accrue des nantis (les banques, les très riches) pour trouver de nouvelles recettes  alors que les seconds mettent l’accent sur la baisse des charges, la simplification administrative et les incitants à la création d’activité. Je suis pour ma part intimement convaincu –et ce même si la première option n’est pas à négliger –, que seule la seconde option peut assurer notre prospérité à long terme. Sachant que la Wallonie se classe bonne dernière de l’Europe de l’ouest en terme de création d’entreprise, il y a du boulot.

Un gouvernement efficace sera celui qui mettra des politiques structurelles en place pour stimuler l’initiative individuelle. Changement de paradigme donc : l’Etat doit revoir ses priorités et se soucier d’abord de la création de richesses et ensuite de sa répartition. Investir dans les individus (valoriser la créativité et l’art sous toutes ses formes!), développer une culture du risque, mettre en place un cadre légal simplifié et des incitants à l’entreprenariat ; En bref : encadrer, stimuler, accompagner, donner des outils à la responsabilisation, tels sont nos défis. A noter que la stimulation du développement durable rencontre cet objectif.

In fine, c’est sur les individus et non l’Etat que doit reposer la responsabilité de créer de l’emploi. C’est bien d’une révolution Copernicienne dont je vous parle…Loin de raviver un démon idéologique ces lignes se fondent sur un constat pragmatique : dans l’environnement incertain et instable qu’est celui de la globalisation, seule une organisation décentralisée de notre économie peut organiser efficacement notre bien-être. A condition que l’information entre le niveau central (l’Etat) et décentralisé (les individus) circule de façon optimale.

(1)   En référence au match télévisé Di Rupo-Reynders de cette semaine où M. Di Rupo prône la « rigueur mais pas l’austérité ».

Commentaires sur: "Comment sortir de la crise ? Une révolution copernicienne s’impose." (10)

  1. Sacré Loïc a dit:

    Devines quoi, je suis plus que d’accord avec toi. Ce n’est pas un scoop tu me diras.

    Le constat que tu émets m’invite en ce qui me concerne à voter en marge du système afin de titiller sur l’institutionnel les partis établis qui n’ont que trop peu d’intérêt à rationnaliser, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit, notre système politique. Je me demande d’ailleurs où tu te situes par rapport au PP suite à nos échanges d’emails.

    Je suis tout à fait d’accord jeunes et moins jeunes n’entrent pas en opposition totale sur le marché de l’emploi car ils disposent chacun d’avantages différentiels distincts. Les uns sont aux pointes des nouvelles techniques de production, gestion…tandis que les autres ont une expérience qui leur permet d’afficher un certain recul devant la nouveauté.

    Ensuite le problème du financement des pensions me permet de revenir sur des propos tenus dans un autre commentaire. Si les politiciens n’ont pas le courage de réformer notre système de pensions pour en assurer la pérennité alors la garantie tacite de soutien des institutions financières doit devenir réelle. Dans 40-45 ans lorsque viendra pour nous le temps de la retraite, je ne veux pas être confronté au problème d’avoir cotisé toute une vie pour un système de pensions publiques dont je ne pourrai pleinement bénéficier. Je ne veux pas également que l’épargne d’une vie placée en banque, bourses… soit ruinée par une crise et un régulateur abandonnant les banques.

    Pour créer de la richesse et donc du bien être il faut que différentes conditions soient remplies.

    1) La re-naissance d’une vraie droite francophone
    2) Une simplification du paysage institutionnel belge. Adieu les provinces.
    3) La fin d’incitants à la glandouille. Le stage d’attente après les études est nocif. Il est à mon sens un frein à l’insertion de certains jeunes sur le marché de l’emploi, ceux-ci préférant rester dans le rôle d’éternels adolescents.
    4) Il faut que les gens maintiennent leur niveau de vie non pas par des primes et autres cadeaux dont le suivi et la distribution coûte cher mais bien par une fiscalité intéressante. C’est malheureusement plus séduisant pour les gauchos la voie primes et cadeaux que la voie fiscale. C’est plus sympathique évidemment pour le gouvernement. Dépenser un milliard pour le plan marshall est plus sexy que d’atteindre une grande partie de ses objectifs par la fiscalité.
    Les aides de l’état doivent uniquement exister pour les choses dont le privé se désintéresserait autrement.

  2. Olivier a dit:

    Bon article !
    Toutefois il y a un point crucial qu’il convient de rectifier. La différence entre la gauche et la droite ne porte pas sur les moyens comme tu le dis (taxer verus inciter) mais bien sur les fins. In fine la gauche désire plus de justice sociale, chose que n’inclut pas la droite dans la poursuite de ses fins.
    La conclusion de ton article n’est donc pas « choisissons la droite », mais choisissons l’efficiience. Une efficience qui peut très bien être portée par certains courants de la gauche (conception égalitariste libérale de Rawls par exemple) comme par certains courants du centre ou de droite (utilitarisme classique par ex)

    • tout à fait, mais si je puis préciser, je ne basais pas mon discours sur des références idéologiques mais sur ce qu’on peut observer concrètement, durant cette campagne (cf. la sortie de Jacky Moreal et le débat Di Rupo-Reynders de cette semaine par exemple).

      • Olivier a dit:

        Dans ce cas c’est vrai que le MR a une vision plus pragmatique et efficiente que le PS en ces temps de crise. (Même si personnellement je ne les choisirai pas parce que c’est un pragmatisme d’opportunité, pas de conviction)

  3. @olivier: faut pas déconner non plus. Le core business idéologique des libéraux c’est la création d’activité privée.

  4. Cédric a dit:

    je lis tes billets avec attention malgré le temps qui m’est compté 😉

    ce qui me frappe c’est que tu proposes un modèle purement libéral pour sortir de cette crise (tout passe par les individus), alors que finalement cette crise à été causée en grande partie par le libéralisme. je pense qu’il est incontestable que l’Etat doit intervenir sur bien des points pour établir les règles du jeu aux acteurs, afin d’éviter les déraillements du système. C’est en grande partie le vide juridique qui a causé la crise. Mais le rôle de l’état ne se limite pas à cela.

    Selon moi, le danger est de voir la production de richesse comme une fin en soi. Il me semble que le but premier de l’état est de garantir les droits élémentaires à tous ces sujets (sans exception) (droits de l’homme, justice, paix, sécurité, …). Bref, la création de ‘richesse’ n’a de ‘valeur’ que dans la mesure où elle contribue à cette construction.

    Pour donner un simple exemple actuel: réduire les dépenses de personnel dans les prisons (déjà en manque) pour investir l’argent économisé dans la création de richesse, ça ne va pas. Certes, la richesse augmentera, mais le moyen va à l’encontre de la finalité…

    C’est dans la confusion du but et des moyens que je vois les limites du libéralisme: quel mécanisme libéral va par exemple empêcher que la spéculation sur la bouffe africaine va causer une famine en Afrique, alors que toute la bouffe est sur place et pourrit dans leurs ports?

    Pour ma part, après la crise immobilière, financière, des dettes souveraines, etc. ça ne m’étonnerait pas que finalement on arrive à une grave crise humanitaire sans précédent…

    • Salut Cédric,

      répondre dans les largesses prendrait bien davantage qu’un simple commentaire. Toutefois, je vais essayer de mettre en avant certains éléments que j’estime clés dans ce débat.

      Tout d’abord -et ne le prend pas mal- ta vision, et ce même si je la comprends, est celle d’un juriste (les prisons, les droits de l’homme, la Justice). Bon, ne mélangeons pas tout. Le problème est clairement identifié: le chômage de masse. Pour y remédier, je pose avant tout la question de l’efficience. Mon raisonnement est donc celui d’un économiste qui cherche à maximiser le bien-être social (qui se mesure en utilité en non en euros). Nous disposons de deux instruments pour régler le problème: le marché, l’instrument décentralisé par excellence, et l’Etat, centralisé. Il faut sortir d’une opposition idéologique classique – la droite « libérale » = les marchés vs la gauche = l’Etat-. Que je sois clair: l’époque de la main invisible, du « laissez-faire » comme disent les anglo-saxons est révolue. De même, on a vu ce qu’a donné le communisme. A chacun son rôle.

      Personnellement, je pense qu’il faut changer notre rapport à l’Etat (je parle d’une révolution Copernicienne) qui pour moi sort aujourd’hui de son rôle. L’Etat, dans le paradigme économique libéral, doit être le garant du CADRE des échanges. On voit aujourd’hui qu’il a failli à cette mission, c’est clair, mais ce n’est pas pour autant que le modèle libéral doive être remis en cause. La crise financière, l’échec de Copenhague (et donc par là même le problème N-S) sont a imputer à un manque de gouvernance mondiale. Le principe est simple: la compétence de l’autorité centrale doit coïncider avec celle du problème. On y arrivera, mais entretemps, le G20 prend les décisions. Si tu m’as bien compris, un problème identique se pose actuellement en Europe pour la crise de l’Euro: il y a une carence de gouvernance économique commune.

      Mais revenons en au problème spécifique posé ici i.e., comment diminuer le chômage chez nous? Ma réponse est qu’il faut stimuler la création d’activité économique, ce qui, en effet, passe par une plus grande prise d’initiative individuelle. Je suis convaincu que l’individu reste la cellule mère de l’économie car une gestion décentralisée -donc reposant sur les individus et non l’Etat- est plus efficace, plus réactive, dans le contexte globalisé de nos économies. Mais attention: à l’Etat de poser le cadre dans lequel ces initiatives individuelles sont susceptibles de s’épanouir (précisément ce que le régulateur n’a pas fait pour la finance, car bien souvent ses connaissances techniques sont insuffisantes face à celles des professionnels)!

      La théorie économique reconnaît le rôle de l’Etat, mais celui-ci a également des limites. En Wallonie, on entreprend trop peu. Et je vais vous dire pourquoi: PAs parce que la fiscalité est trop lourde – c’est un facteurs certes, mais pas déterminant-, non, mais parce qu’on attend de l’Etat qu’il crée des emplois. Ce n’est pourtant pas sont rôle premier – comme du reste tu le soulignes toi mêm. Certes, il a besoins de ressources humaines pour fonctionner, mais in fine, c’est aux individus (libre à eux de s’associer) de créer de la richesse.

      Enfin, à ceux qui disent que « la création de richesse n’est pas une fin en soi », je réponds ceci: et comment se loge t-on, mange t-on alors? Pour vivre, il faut travailler, çàd produire qqch. L’Etat doit intervenir pour protéger les plus faibles (ce qu’on ne fait pas avec l’Afrique pour les motifs énoncés plus haut), ceux qui fortuitement ont eu moins de chance avec la vie, donc il est clair qu’il doit être le garant de certains mécanismes de répartition. Un tissu économique dynamique et une solidarité forte ne sont pas antinomiques!

      De toute fàçon, soyons clair: sans richesse à partager, l’idéal de la gauche, qui est de tendre vers une plus grande Justice sociale, est une utopie. COnclusion: avant de partager la richesse, il faut la produire. En WAllonie, on partage beaucoup et on produit peu (les transferts nous maintiennent sous Baxter, on peu le dire franchement).

      Je finirai sur cette phrase célèbre de Winston Churchill: « Le vice inhérent au capitalisme est le partage non équitable des richesses. Le vice inhérent au socialisme est le partage équitable de la misère. » Tout est question d’équilibre donc. Après 30 ans de PS au pouvoir, je sais personnellement ou se situe le déséquilibre…

      • Cédric a dit:

        Waouw, merci pour cette longue réponse!

        Je suis en très grande partie d’accord avec toi, en particulier à propos des solutions pour le chômage et le baxter. Je ne voterai pas PS, à cause de leur coté opportuniste: ils visent ceux qui veulent voter pour eux et pas ceux qui sont vmt ds le besoin (quart monde en particulier 😉 ). Dans ce sens le PS n’a rien de social.

        Cependant pour te répondre par rapport à la création de richesse comme fin en soi ou pas, je reste sur ma position de juriste 😉 Toute création de richesse n’est pas bonne. Comme tu le dis dans ta réponse: la richesse sert à se loger, à manger, … Mais ce n’est que l’infime partie! Egalement à réparer des gaffes dans le golfe du Mexique, à financer des fonds spéculatifs sur la bouffe africaine, à payer les parachutes dorés, à corrompre les dirigants du tiers monde, etc etc.

        La théorie économique veut maximiser l’utilité, d’accord, mais cette utilité n’est toujours que définie principalement en quantité de biens et d’argent (= axes des graphiques). Or on ne tient pas compte de l’utilisation finale de ses biens et de cette richesse. D’accord, c’est ‘utile’, mais à quoi? Au plus il y a d’externalités, au moins la théorie tient la route. Ex: La situation déplorable des prisons, la théorie n’en tient aucunement compte…

        Le plus grand défi me semble donc de distinguer la richesse saine de celle qui ne l’est pas (pouvoir la tracer en quelque sorte). Le marché est incapable de faire cette distinction tout seul. Par exemple, pour en revenir au chômage, si 10000 personnes de plus pourraient travailler à FN Herstal dans la fabrication d’armes de guerre (ou stimuler la création d’une nouvelle usine de guerre) parce que la demande est forte en Afrique, ben non, faut connaître les limites de la théorie.

        Bref à propos de l’emploi, l’état ne doit pas dire ‘toi tu fais ça et toi tu fais ça’, mais bien ‘toi tu ne fais pas ça, et toi non plus’.

  5. Sacré Loïc a dit:

    Je vois que d’article en articles, le débat s’envole sur ce blog.
    Nice job Thib.

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